TÉMOIGNAGE - Peu après l'annonce de Claude Guéant d'un durcissement des critères d'attribution de la nationalité, a rencontré une jeune femme devenue française en 2008. Dossiers administratifs, rendez-vous à la préfecture, et changement de prénom, elle évoque ses trois années de juillet, le ministre de l'Intérieur Claude Guéant a annoncé un durcissement des conditions d'accès à la nationalité française pour les étrangers. Les préfets doivent désormais s'assurer que le postulant adhère complètement à notre style de vie, qu'il a bien intégré nos principes républicains les plus fondamentaux, et qu'il maîtrise le français.» Le ministère souhaite ainsi que les postulants à la nationalité française aient un niveau qui soit celui que l'on maîtrise au collège», et que les préfets soient plus vigilants, plus exigeants, sur les critères de l'assimilation ... pour entrer dans la nationalité».Comment se passait jusqu'à présent la procédure pour devenir français ? Quelles sont les différentes étapes à valider pour les postulants ? a rencontré Elena*, 30 ans, qui a obtenu sa nationalité française en 2008 après près de trois années de procédure administrative. La jeune femme, qui travaille dans le milieu de la publicité et de la communication, a bien voulu témoigner de son française pour mon métierJe n'ai pas demandé la nationalité française par patriotisme. Je ne me sens pas liée à un pays en particulier, et j'aurais pu continuer de vivre en France, comme je le fais avec ma famille depuis 1991, en renouvelant ma carte de séjour chaque année. Si j'ai demandé à être Française, c'est pour pouvoir pleinement exercer mon travail de réalisatrice indépendante m'amène à devoir faire de nombreux tournages à l'étranger. Mais combien de fois ai-je dû renoncer à un contrat pour des problèmes de papiers? Pour les États-Unis, les Français n'ont pas besoin de visa. Moi par contre, avec ma nationalité africaine, il faut que je fasse des démarches auprès de l'ambassade américaine. Et c'est trop long pour que je puisse honorer un contrat de dernière cas de figure s'est répété de nombreuses fois, mettant en difficulté ma carrière. Même pour une escale technique, il me faut un visa. Cette situation commençait à me fatiguer, tout comme mon énorme dossier à refaire tous les ans pour ma carte de séjour. Puisque je vivais en France depuis l'âge de 10 ans, que j'y avais un métier, un compagnon, et que je n'avais aucune raison ni intention de retourner dans mon pays natal, j'ai décidé de demander fin 2005 la nationalité française.Il va falloir rentrer chez vous»J'avais déjà eu affaire à l'administration préfectorale en 2003, à la fin de mes études. Si les étrangers ont facilement des papiers lorsqu'ils sont mineurs ou étudiants, il leur faut impérativement un visa spécial pour travailler sur le territoire dans laquelle je faisais alors mon stage de fin d'études voulait m'embaucher. Ravie sur le coup, j'ai découvert par la suite les démarches pour obtenir un visa travailleur mon entreprise devait verser pas moins de 3000 euros de frais, et justifier pourquoi elle m'embaucherait moi plutôt qu'un Français. Je me suis dit c'est foutu, ils ne paieront jamais pour me garder». À ma grande surprise, mon patron a signé le chèque couperet est tombé quelques semaines plus tard. Mademoiselle, des milliers de Français voudraient votre travail. Vous n'aurez pas votre visa.» Dépitée, j'ai fait la queue plusieurs heures à la préfecture de Nanterre pour connaître les autres alternatives afin de garder mon emploi. La personne du guichet m'a répondu avec un sourire narquois que je ne suis pas prête d'oublier Eh bien, il va falloir rentrer chez vous !» J'étais estomaquée. Toutes mes attaches sont en France. L'Afrique, c'est voyage en territoire inconnu».Je ne voulais plus avoir affaire à la préfecture de Nanterre. Heureusement, des amis m'ont orienté vers la préfecture de Paris, connue pour être plus humaine» avec les étrangers. Mes parents possèdent un appartement dans la capitale, et j'ai donc prétendu y vivre pour pouvoir faire mes démarches. Là bas, on m'a parlé du regroupement familial, chose qui n'avait jamais été évoquée à Nanterre. Il me permettait d'avoir facilement un titre de séjour à renouveller chaque temps que les démarches aboutissent, j'ai néanmoins dû accepter d'être payée 500 euros par mois par mon entreprise, et d'être déclarée comme stagiaire. Mon visa d'étudiante était toujours valable, mais il ne permettait pas de travailler avec un salaire dépassant un demi-Smic. Avec cette astuce, l'administration me considérait toujours comme étudiante, et ne pouvait pas m'expulser. Cette situation a duré six de bonnes vies et moeurs à la préfectureRetour en 2005. Je dépose à la préfecture de Paris un dossier de naturalisation. J'y sors toute ma vie. Acte de naissance des parents, livret de famille, impôts, certificats de travail, factures EDF de tous les logements que j'ai occupé avec ma famille, certificat de la banque comme quoi le compte tourne bien ... Il faut absolument prouver que sa vie est en France. Et gare s'il manque une pièce !L'administration met environ six mois avant d'envoyer un courrier indiquant si le dossier est valable ou non. S'il manque un seul document, il faut tout recommencer ... et repartir pour une attente de six mois. J'avais pris mon temps pour rendre un dossier impeccable, en classant les papiers dans l'ordre avec une jolie étiquette de couleur pour les impôts, EDF ... Mon dossier était tellement beau, ils ne pouvaient que l'accepter ! riresPendant ces six mois d'attente, on n'a absolument aucune nouvelle de son dossier. À l'automne 2006, j'ai fini par recevoir la lettre validant mon dossier, avec un numéro associé. Mais si tu appelles pour savoir où en est la procédure, on te répond c'est sur la pile». Tu deviens fou ! riresLa préfecture finit par me donner rendez-vous pour une étude de bonnes vies et moeurs». Les agents font une enquête sur les aspirants français, pour vérifier s'ils n'ont pas été condamnés dans le passé, et qu'ils sont de bons citoyens». Personnellement, j'ai passé mon entretien dans une cellule au sous-sol de l'établissement par manque de place. Plutôt cocasse ! On m'a posé mille questions sur ma vie, par exemple si je faisais partie d'associations de quartier. À la fin, les agents me lancent rendez-vous dans six mois.» Nous sommes fin Elena à HélèneL'administration me relance courant 2007 pour un petit souci» dans mon dossier. Si je veux devenir française, je ne peux plus m'appeler Elena. C'est un prénom d'origine russe, ça ne passera pas», m'explique-t-on au téléphone. J'avoue ne pas comprendre, puisque mes deux autres prénoms, typiquement africains, sont acceptés sans je suis tellement fatiguée des démarches, j'en ai tellement assez de rater des contrats professionnels à l'étranger... Je vois mes collègues partir faire des tournages au Brésil, aux États-Unis. J'obtempère et signe des documents pour changer de prénom. Officiellement, je m'appelle désormais Hélène. Si je veux redevenir Elena, je dois me lancer dans une nouvelle procédure de deux ans. Pas la force, pas l'envie. Va pour vais devoir attendre une année supplémentaire avant d'obtenir un passeport français. Entre temps, ma naturalisation est parue par décret au Journal officiel. J'ai pour instruction de traverser tout Paris pour acheter cette publication, et de faire le chemin en sens inverse pour montrer le document à la préfecture. À un moment, tu ne cherches même plus à comprendre la logique de l'administration. De toute façon quand tu demandes, on te répond on ne sait pas, c'est comme ça».Cérémonie officielle à la préfectureEn juillet 2008, près de trois ans après le dépot de mon dossier, je me retrouve au milieu d'une trentaine de personnes à la préfecture de Paris pour ma cérémonie d'accueil dans la citoyenneté française». Ça y est, je vais être Française. Quasiment tous sont venus en famille, sauf moi. Le vilain petit canard de la cérémonie rires.Je ne m'attendais pas du tout à une réception de ce genre. Une remise de diplôme à l'américaine ! On t'appelle à l'estrade pour recevoir tes documents officiels, tu poses devant le buste de Marianne, tout le monde applaudit... Ça a un côté très grandiloquent, comme si c'était ton nous fait visionner une vidéo d'éducation civique vieillotte sur les droits et les devoirs des Français. Puis nous devons chanter la Marseillaise. Sauf que personne ne nous a jamais expliqué l'origine et le sens de ce chant. Pour moi ça n'a pas de sens, tout comme la cérémonie. J'ai l'impression que c'est un truc fait pour les journalistes, histoire de dire regardez comme on fait ça bien».Je ne dis pas que la cérémonie est mauvaise et qu'elle ne devrait pas exister, mais elle m'a laissé une impression de malaise. Comme si on cherchait à nous dire maintenant que vous êtes de l'autre côté de la barrière, il va falloir bien se comporter et ne pas brûler des poubelles en sortant». Mais pour moi, il n'y a pas de bons citoyens français». Il y a de bons citoyens tout j'ai enfin mon décret de naturalisation. Avec lui, je peux obtenir des papiers d'identité français. Je me suis précipitée à la mairie pour avoir un passeport tricolore. Avec Hélène» en prénom ma naturalisation, j'ai pu voyager dans le monde entier sans obstacles, et faire tous les projets professionnels qui me tenaient à coeur. J'en suis vraiment reconnaissante, même si le chemin a été long».* le prénom a été modifiéCe qui a changé depuis 2008Depuis qu'Elena est devenue française, le gouvernement a renforcé les exigences pour obtenir le décret de naturalisation. Les critères requis portent essentiellement sur la maîtrise du français et la connaissance de la culture et des valeurs du loi du 16 juin 2011 stipule ainsi que nul ne peut être naturalisé s'il ne justifie de son assimilation à la communauté française, notamment par une connaissance suffisante, selon sa condition, de la langue, de l'histoire, de la culture et de la société françaises dont le niveau et les modalités d'évaluation sont fixés par décret en Conseil d'Etat». L'aspirant français doit également connaître les droits et devoirs conférés par la nationalité» et adhérer aux principes et valeurs essentiels de la République».Pour entamer ses démarches, la personne étrangère doit justifier de cinq années de présence en France. Ce délai est réduit à deux anspour les personnes ayant accompli deux années d'études en France, celui qui a rendu ou peut rendre par sa capacité et ses talents des services importants à la France», et les étrangers présentant un parcours exceptionnel d'intégration» dans les domaines civique, scientifique, économique, culturel ou sportif.» Ce délai est supprimé pour les personnes ayant servi dans l'armée française, ou étant ressortissante d'un pays dont la langue officielle est le français.
Lasoprano américaine Jessye Norman, fréquemment appelée à se produire lors d'événements publics ou de cérémonies, a célébré en juillet 1989 le bicentenaire de la Révolution française sur la place de la Concorde à Paris, en chantant La Marseillaise, drapée dans une robe aux couleurs du drapeau français imaginée par le styliste d'avant-garde Jean-Paul Goude.
La fin de la guerre 1Les Français retenus en Allemagne ont vécu la fin de la guerre comme un processus qui a duré presque toute une année, depuis le débarquement allié en Normandie en juin 1944, puis la libération de leur patrie, ville par ville, région par région, jusqu’à leur propre libération et leur rapatriement fin avril/début mai 1945. Leur situation en Allemagne subissait les influences contradictoires produites par l’agonie du national-socialisme, mais aussi les conséquences de la libération de la France qui, paradoxalement, aboutissait parfois à la dégradation de leurs conditions de vie. 1 Cf. Rousso 1984, p. 365 Ubu règne sans gouverner. En Allemagne. En 1944. À Sigmaringen ». 2Les restes du gouvernement de Vichy, le maréchal Pétain et quelques fidèles, avaient été transférés au château de Sigmaringen en septembre 1944. La Commission gouvernementale française pour la défense des intérêts nationaux, ce gouvernement fantôme par la grâce de Hitler, quasiment sans influence sur le territoire de la métropole1, n’avait plus comme sujets » que les ressortissants français sur le sol allemand les collabos » réfugiés en Allemagne, les malgré nous » en uniforme allemand, et ceux qui étaient retenus de force, prisonniers de guerre, requis du travail et déportés des camps de concentration dont le sort n’intéressait en rien la commission. 2 Evrard 1971, p. 385-6. 3Dans ce gouvernement en exil, l’ultra-collaborationniste et dernier ministre du Travail, Marcel Déat, prit la tutelle des deux administrations vichystes qui continuaient à fonctionner. Le chef de la DOF à l’intérieur de la DAF, Gaston Bruneton, contrairement à l’ambassadeur des prisonniers de guerre, Georges Scapini, qui préféra démissionner, décida de rester en place après avoir demandé l’avis personnel de Pétain à Sigmaringen. Il continuait à appeler les travailleurs français à rester fidèles au Maréchal et les aurait même invités, en 1945, à défendre la ville de Berlin aux côtés des Allemands contre l’Armée 4Les Français retenus en Allemagne souffrirent durement de la rupture des liaisons postales avec la France, conséquence de la libération du territoire. Ils n’avaient souvent mangé à leur faim que grâce aux paquets envoyés de France dont l’apport leur fit alors cruellement défaut. La joie de voir les Alliés enfin débarquer en France fut aussi ternie par l’impossibilité, plusieurs mois durant, d’avoir des nouvelles de la famille vivant dans les zones d’opérations. Les inquiétudes étaient même renforcées à la lecture des journaux allemands et des feuilles collaborationnistes, comme l’Écho de Nancy, qui faisaient un large écho aux raids aériens des Alliés, qualifiés de terroristes », et aux destructions subies par les villes de l’ouest de la France. À partir de novembre 1944 seulement, il fut possible, par l’intermédiaire de la Croix-Rouge, d’échanger des nouvelles de 25 mots au maximum tous les quinze jours avec la famille en France. Ainsi les peurs et préoccupations côtoyaient la joie et l’enthousiasme de savoir imminents la fin de l’épreuve et le retour si longtemps attendu. 5Au moment du débarquement allié en Normandie, les Français retenus en Allemagne ne s’étaient pas doutés combien de temps encore leur patience serait mise à rude épreuve. Cette journée du 6 juin s’est gravée dans leurs mémoires et beaucoup se souviennent, comme si c’était hier, de ce qu’ils faisaient quand ils l’apprirent par la radio ou par des collègues allemands. Bien entendu, après tant d’espoirs déçus, sur le coup personne ne pouvait être certain que cette fois serait la bonne. Mais la nouvelle suscita un enthousiasme spontané, même parmi des collègues allemands antinazis. H. Vous aviez appris le débarquement allié en Normandie… le 6 juin, c’était comment ?Paul T. Ah oui. Alors là . C’était l’ Vous l’avez appris le jour même ?Paul T. Le jour même. Le jour même et c’était un Allemand qui me l’a Ah ?Paul T. Oui. Je travaillais à mon tour, et tout à coup il vient, il était dans une salle, il était fraiseur, il vient dans la salle où j’étais, moi, et il me dit Paul, les Tommies ont débarqué », de ces histoires, moi je ne fais pas attention, et puis, mon doigt s’est pris dans le… rire la chose qui tournait, elle m’a arraché l’ongle, mais enfin, je ne l’ai pas senti…H. Ça vous a fait souffrir…Paul T. J’étais très très heureux. […] J’étais très heureux, eh oui, tous les Français aussi, alors évidemment, ça a été répandu comme une poignée de poudre, partout, tout le monde se voyait déjà libéré, mais… ça durait bien longtemps…H. Et l’Allemand, il vous a annoncé ça joyeusement aussi, en voyant la fin de la guerre, ou plutôt…Paul T. Eh oui, oui, oui, parce que, après la libération, j’ai appris qu’il avait eu beaucoup d’ennuis, il avait même séjourné au camp de concentration, ça devait être un communiste, je crois […].H. Et vous avez su après…Paul T. Après, c’est lui qui me l’a dit, qu’il avait été…H. Ah, oui. Donc, il a dû y avoir…Paul T. Alors lui aussi, il était content bien sûr, d’apprendre cette Et vous vous souvenez d’autres réactions ?Paul T. Hein, les réactions des camarades, ils étaient très heureux. Alors les premiers jours, on nous autorisait, là , à écouter la radio. Les représentants des différentes races… écouter la radio… puis ça a duré une quinzaine de jours, et puis, comme ça marchait pas bien pour les Allemands… c’était terminé, Et est-ce que leur attitude avait changé ?Paul T. Envers nous non. […]H. T. Non, non. 6Évidemment, les sentiments qu’inspirait aux Allemands la fin de la guerre furent aussi divers que les rapports qu’ils avaient avec le régime nazi. Sur le coup, la conscience subjective de vivre leur propre libération ne pouvait être ressentie que par les ennemis jurés du régime, ceux à qui la dictature nazie était encore plus insupportable que la guerre elle-même. Au-delà de cette minorité, une bonne partie de la population, lasse de la guerre, accueillait la victoire alliée comme une issue inéluctable et prévue depuis quelque temps. Elle leur apporterait la fin des hostilités, mais aussi le rôle peu enviable de vaincus à qui on demanderait des comptes. En revanche, les dignitaires du régime qui avaient le plus à craindre la vengeance de leurs victimes réagirent souvent avec des accès de rage à l’annonce du débarquement allié, puis de l’attentat du 20 juillet contre Hitler et de la Libération de Paris. 3 Herbert 1985, p. 329 et 336-8. 4 Tillmann 1995, Asshoff 1988/1995, Gratier de Saint-Louis 1990, p. 578. 7Si certains des Allemands investis de pouvoirs vis-à -vis des étrangers devenaient peu à peu plus coulants dans l’exercice de leurs fonctions envers ceux qui seraient bientôt dans le camp des vainqueurs, tous ne firent pas preuve d’autant de sagesse, loin s’en faut. Dans les derniers mois de la guerre, une répression accrue frappa les étrangers, notamment ceux venus de l’Est, qui furent les victimes de persécutions de plus en plus Les SS ont massacré pendant la Semaine Sainte à Dortmund environ 280 à 350 hommes et femmes, résistants allemands, prisonniers de guerre et ouvriers étrangers, dont au moins une trentaine de victimes Au début novembre 1944, le RSHA, autorité policière suprême du Reich, autorisa par décret les instances locales de la Gestapo à procéder à des exécutions d’ouvriers étrangers au nom de la loi martiale. Ce décret visait avant tout les OST », mais pas exclusivement, et les exemples cités montrent que des travailleurs de l’Ouest risquaient d’être froidement abattus pour un oui ou pour un non. 8Pour les Français, la méfiance des autorités s’était grandement accrue après le débarquement en Normandie. Les entreprises se plaignaient du fait qu’ils se montraient de moins en moins dociles et commençaient à faire la grève du zèle Nous avons constaté que la diminution du rendement a suivi le retrait de nos troupes en France. À partir de ce moment-là , les hommes ralentirent leurs efforts. Cf. annexe, document 9Redoutant une révolte des travailleurs étrangers, les autorités policières prirent des dispositions pour prévenir des actes de vengeance ou de résistance active. Leurs craintes, qui devaient s’avérer tout à fait exagérées, avaient été amplifiées par une propagande alliée qui avait, à partir de l’automne 1944, appelé les travailleurs civils étrangers à passer à la résistance active. Pour le gouvernement de la France libérée, c’était d’ailleurs un manque de responsabilité qui mettait en danger la vie de ses ressortissants retenus en pays ennemi, et le ministre du rapatriement, Henri Frenay, protesta auprès du Commandement Interallié en des termes peu équivoques Par messages radiodiffusés des 5, 6, 13 et 25 septembre, un porte-parole s’adressant en votre nom aux ouvriers étrangers travaillant en Allemagne, les a incités d’abord à déserter leur lieu de travail et à gagner la campagne ; ensuite à se préparer à la résistance active […] Le Gouvernement Français se rend compte que ces consignes ont été établies au moment où les opérations des Armées Alliées en France permettaient d’entrevoir une avance rapide en territoire allemand. Il comprend également le souci du d’utiliser au bénéfice des Armées Alliées les services que la masse immense des étrangers en Allemagne peuvent sic être en mesure de rendre dans la bataille commune. Il ne doute pas que le n’ait également été guidé par le souci de préserver des vies humaines mises en danger tant par les bombardements alliés que par les atrocités nazies éventuelles. Cependant le Gouvernement Français se voit contraint de protester contre de telles mesures ordonnées à ses propres ressortissants par le Commandement allié sans que ni lui-même ni ses représentants militaires aient été informés. 10Après avoir constaté que les Alliés seraient entièrement responsables des suites de ces appels et des réactions susceptibles d’en découler, il termine ainsi 5 Message urgent et confidentiel du 26 octobre 1944 AN F/60/410. En conclusion, le Gouvernement Français se doit de protester contre ce qu’il est obligé de considérer comme une atteinte du Commandement Militaire à la souveraineté 6 Dancy 1946, p. 16. 11De toute façon, ces appels eurent peu d’écho. Certes, la tendance à l’insoumission et à la résistance surtout passive grandissait ainsi que la solidarité entre les diverses nationalités. Mais les travailleurs étrangers avaient acquis, durant les années de leur rétention en Allemagne, une conscience aiguë des limites à ne pas dépasser pour ne pas risquer des sanctions qui leur auraient coûté la vie. Au moment où leur libération était imminente, il leur importait plus que jamais de survivre. Il fallait donc éviter toute action imprudente et mal calculée. Les cas ont dû être très rares où, suivant l’exemple des prisonniers soviétiques libérés à Berlin, ils se seraient immédiatement rangés aux côtés des troupes alliées pour reprendre le combat, l’arme à la 12Il y eut cependant des Français qui se mirent au service les Alliés pour servir d’interprètes, par exemple, et pour les aider dans les tâches d’administration, comme en témoigne ce rapport Il semble tout à fait possible de trouver sur place les hommes appropriés à cette tâche, de telle sorte qu’à l’heure actuelle, même dans cette zone chaotique, aucun problème d’organisation n’apparaît insoluble, et cela aussi est un facteur d’optimisme chez les libérés. Cf. annexe, document 13Selon les situations, l’imprévisible et la désorganisation de la production et de la surveillance marquèrent ces derniers mois dans la gueule du loup. Certains eurent une chance inouïe comme ce requis du travail qui, bien qu’il ait tenté en vain de se soustraire à son départ forcé en novembre 1942, se vit, à son grand étonnement, muté en France à l’été 1943 et affecté à l’atelier de formation de Weser-Flug à Paris. Là , il demanda son congé annuel en juin 1944, partit sans au revoir, bien entendu, et participa comme maquisard à la libération de Dijon, sa ville natale cf. annexe, documents et D’autres requis, comme plusieurs de mes témoins, avaient suivi le mouvement des transferts de production dans les territoires moins exposés à l’Est puis, devant l’avance des armées soviétiques à partir de l’automne 1944, rebroussaient chemin vers l’Ouest, plus au moins surveillés. Paul H. Quand nos, nos patrons locaux ont su que les Russes arrivaient, les civils du patelin l’ont su aussi. Donc tous les trains ont été pris d’assaut. […] Mais, euh, les gens de la Focke-Wulff, en priorité, se sont fait affecter un train. Et ils sont partis. Quant à nous, ils nous ont dit débrouillez-vous. Comme ça ! Nous avons commis une erreur qui pouvait nous être fatale. Parce que nous savions quand même bien où était l’Est et l’Ouest, et, au lieu de prendre l’Ouest nous avons pris l’Est. Ce qui fait que, au soir, nous sommes arrivés dans un village complètement vide, il y avait une ferme immense, avec des animaux, et là , nous avons retrouvé un, un un prisonnier de guerre. Euh, un…, qu’est-ce que c’était, l’autre ? Enfin…[…]Paul H. Nous nous sommes retrouvés de, euh, 15 à 20 que nous étions au départ, nous nous sommes retrouvés G. C’était le 14 février 45. Je l’ai ça, sur le…Paul H. Oui, alors nous nous sommes retrouvés tous là …Robert G. cite son journal Et couchons dans de bons lits, tuons même cochons et plusieurs poulets » fin de citation. C’est pas moi qui les ai tués, parce que je ne savais pas.[…]Paul H. Alors rien, rien ne se fait, la nuit se passe, nous couchons dans un appentis de, euh, d’une ferme, avec des Allemands qui étaient, eux aussi, en fuite. Ils avaient un camion, ils étaient couchés. Au milieu de la nuit, ils nous alertent Vite vite vite, voilà les Russes. » On entend des coups de H. Et nous n’en faisions G. On n’a pas H. Nous les laissons partir affolés, ils s’en vont vraiment paniqués, et nous, nous attendons au petit matin… Rien. Pas de Russes. Parce que c’est ça que nous G. Et puis, plus H. Nous attendions les Russes. Alors pas de Russes et pas d’Allemands. Là , nous, nous avons commencé à nous poser des questions. Quoi faire ? Là , ça devenait délicat. Un de nous, plus curieux, avait déjà découvert la propriété, une propriété, vous savez, vraiment belle, c’était somptueux, des quantités de bêtes, euh, euh une maison richement meublée, des fusils de chasse… des fourrures de prix, euh, quand nous avons vu ça, nous avons touché du doigt très vite le danger. Parce que nous avons dit, c’était inévitable, si les Allemands reviennent, ils nous trouvent là , notre compte est bon. Alors, nous avons fait de l’auto-… euh… assistance, nous avons regardé, fait un tour d’horizon et demandé à chacun quel était son grade, qu’est-ce qu’ils étaient. Et c’est là que nous avons trouvé un prisonnier de guerre évadé d’un camp, par là …Robert G. Ouais, H. …qui était officier, un autre qui était sous-officier, euh, un troisième qui parlait bien l’allemand, par la force des choses, nous l’avons bombardé interprète, en cas, et ça n’a pas raté. Alors, nous nous sommes répartis le travail, il n’était pas question de rester là , nous avons réparti le travail, les uns, euh, nettoyaient les animaux, moi, je suis allé nettoyer les, les vaches, changer la paille, d’autres ont trait le lait, euh… […] Et, euh, nous avons attendu. C’est tout ce que nous pouvions faire. Mais ça ne résolvait aucun problème. Tout d’un coup, nous avons eu, euh, un, ou deux, trois, en fait, c’était un groupe de SS qui arrivait en reconnaissance. Quand ils nous ont vus là … […] Ils, ils, ils ont fait une drôle de tête…Robert G. Qu’est-ce que vous faites là ? » Et tout H. Ils nous ont dit Mais qu’est-ce que vous faites là ? » Alors heureusement nous avions D […] qui a pu leur expliquer avec pré-… assez de clarté, et puis il avait quand même…Robert G. …il avait des papiers… des papiers de, qu’avaient la firme, l’en-tête de la H. Alors les gars nous ont cru, mais…Robert G. …à moitié, mais avec la H. On sentait, euh, on sentait que la conviction n’était pas ferme. Alors euh…Robert G. Et alors, et vous savez, et alors ils nous ont embarqués…Conduits à Erfurt puis de nouveau libres, ils sont tombés par hasard sur leur contremaître brêmois Paul H. …Ils nous ont laissés sur une voie de garage, sans explications, le train va continuer je ne sais où, et ça a été une chance, une chance quand même, ça existe la chance, parce que nous avons erré, avec beaucoup d’inquiétude, sachant ce camp pas très loin, sachant que si, euh, la police nous trouvait là , à errer, euh, l’affaire serait vite réglée… Dans la rue, nous avons le, le contremaître, je ne me souviens plus de son nom… […]Paul H. Il nous a vus là , il s’est arrêté…Robert G. Il nous a dit Qu’est-ce que vous faites là ? » 14Et les voilà repartis en direction de leur ancienne usine qu’ils ont retrouvée complètement détruite. D’autres témoins m’ont raconté des pérégrinations semblables, d’un endroit à l’autre, pour éviter de tomber aux mains des Allemands ou des Russes. 15La libération proprement dite, à savoir l’arrivée des troupes alliées, s’est étalée sur plusieurs mois et a présenté une grande variété de situations. Tout d’un coup, les rôles étaient inversés. Les anciens seigneurs » brûlaient leurs uniformes et dépendaient parfois de certificats de conduite cléments de la part de leurs anciens prisonniers ou ouvriers requis. Pierre G. J’ai vu quelque chose qui m’a fait bien plaisir à la libération, j’ai vu les SS et les SA brûler leur tenues en face de Goldina, là , hein, et puis j’ai vu les… des Allemands qui étaient délégués de l’Arbeitsfront, Arbeit- ceci, hein, qui avaient ça devant leur devanture de maison, là , hein, enlever les plaques, et puis venir nous dire, hein Tu ne diras pas que t’as été malheureux avec moi, là , et ainsi de suite, hein. Parce que c’est sûr, à la libération, il y avait des officiers… alliés, là , qui nous interrogeaient. 16Du jour au lendemain, les otages étaient devenus des hommes libres, voire appartenaient au camp des vainqueurs, même s’ils hésitaient un peu à assumer pleinement ce nouveau rôle. Ce renversement des hiérarchies se montrait jusque dans les petits détails de la vie quotidienne Edgard B. Et il y a une chose extraordinaire qui nous a fait drôle, qui m’a fait drôle à moi, Français. Quand on marchait sur le trottoir, les Allemands descendaient et ils retiraient leurs casquettes. […] On était, on a été tellement habitués du contraire… […] que ça… qu’on est restés…H. B. Alors, là , mais… moi j’ai dit, tu as vu, alors, ils descendent, ils nous saluent. Oui, je me dis, oui, hein, mais si, mais qu’est-ce, qu’est-ce qui se passe, vraiment, on était, alors, abasourdis. Étonnés, de voir l’inverse parce qu’on ne réalisait pas encore… On ne pouvait pas réaliser qu’on était libres !H. Et que vous étiez vainqueurs, en quelque B. Qu’on était vainqueurs, que nous, on n’était pas, on était délivrés. Attention. Nuance !H. Hm. B. Parce que nous, on n’a rien Non, non, mais vous étiez dans le camp des…Edgard B. On était dans le camp des vainqueurs. On réalisait très B. Y en a eu quelques-uns qu’ont fait des excès, qui ont balancé des meubles… euh, des meubles par la fenêtre, mais ça a été vite mis, mis d’aplomb, parce que nous, on a commencé à leur dire, mais dites donc, eh, oh ! 17Bien entendu, pour leur ravitaillement, les Français, et tous les » Displaced Persons, comme les libérateurs alliés les appelaient, n’avaient d’autre choix que de vivre sur l’habitant et sur les stocks allemands. Les Alliés les y incitaient d’ailleurs expressément. Quand l’occasion s’y prêtait, m’ont dit des témoins, ils n’hésitaient pas à se procurer aussi des vêtements ou des chaussures. Paul P., un ancien prisonnier de guerre, s’est vu offrir un vélo Dans le flot de la circulation, les Tommies toujours corrects mais inflexibles arrêtaient tous les cyclistes et donnaient les vélos aux étrangers et aux qui attendaient leur tour ! J’en ai pris un ! 18Mais les sentiments de haine et de vengeance qui les auraient poussés à des destructions gratuites, des pillages ou des actes de violence étaient pratiquement absents chez les étrangers ouest-européens. Par contre, de tels sentiments pouvaient puiser des motifs bien plus profonds dans les traitements endurés par ceux venus de l’Est qui, considérés comme des sous-hommes, avaient dû mener, des années durant, une existence de parias et dont les pays, toutes proportions gardées, avaient connu une occupation allemande beaucoup plus dévastatrice, semant la répression sanglante et la terreur généralisée. 19Dans l’explosion de joie, il y eut, certes, les célébrations spontanées de la libération, unissant les Français et les Russes dans un même enthousiasme, comme s’en souvient Yves Bertho Pour finir sur des images finales, je voudrais terminer sur la fin de la guerre, c’est-à -dire trois ou quatre jours avant le suicide de Hitler… ça devait être le 27 avril, si je ne m’abuse, où les troupes anglaises ont délivré Brême et où il est resté avant la remise en ordre par les autorités anglaises – puis après américaines – d’occupation de Brême une période de joyeux désordre. Et ça se terminait pour moi par cette image qui était vraiment d’un comique complet d’arriver un soir, peut-être le 28 avril, dans une roulotte d’entretien des tramways qui devait se situer du côté du musée de Brême, au bout d’Am Wall, où j’entendais – la nuit était tombée – où j’entendais chanter et hurler. Je suis rentré dans cette petite roulotte, et là -dedans, il y avait sept Russes qui étaient en train de faire des crêpes, casser des bouteilles à même… la bouteille et à chanter, et ils étaient tous en frac, avec des queues-de-pie qu’ils avaient volés sans doute dans un magasin très chic de Obernstraße, en sorte qu’ils avaient à même la peau des costumes de mariés, avec les parements de soie, avec de grandes tâches de graisse ! Et alors on a bu, on a levé un toast à la santé de de Gaulle, un toast à la santé de Staline, tout ça criait… ils étaient manifestement presque tous complètement saouls, et moi je commençais à l’être aussi, tout ça donnait une image quand même dérisoire et merveilleuse de ce que pouvait être la vie, et d’en être sortis. 20Mais en même temps, beaucoup de Français, qui, pendant leur séjour, avaient appris à distinguer parmi les Allemands, protégeaient même parfois les civils allemands contre des actes de vengeance. Les Alliés regardaient cette attitude d’un œil quelque peu critique 7 Rapport du Dubarle au commandant de la mission de liaison francaise colonel Lano du 2 m ... Vis-à -vis des populations allemandes, il est difficile aux français récemment libérés de passer tout d’une pièce du système antécédent au système d’occupation. Beaucoup de relations humaines subsistent, les allemands s’y appuient constamment pour éviter d’avoir affaire aux russes, yougoslaves, polonais… En zone américaine, les Français récemment libérés constituent parfois une sorte de petite milice locale, plus ou moins armée, chargée de policer le pays et d’éviter aux populations les excès qu’elles redoutent de la part des 21Beaucoup de témoins font état de cette peur des Russes qu’éprouvaient notamment les femmes allemandes 8 Enquête auprès d’anciens prisonniers de guerre XB par le Comité d’Histoire de la Deuxième Guerre ... Vers la fin, elles avaient toutes peur des Russes et souhaitaient que les Américains arrivent les premiers à Brême. Quelques jeunes Français ont agréablement profité de cette peur…8 22Cette crainte était sans doute en grande partie justifiée, mais la propagande nazie y avait aussi contribué, en nourrissant délibérément la peur des représailles qui s’abattraient sur les Allemands en cas de victoire alliée. En tout cas, les sentiments de haine, auxquels le moment était enfin venu de laisser libre cours, correspondent directement à la place respective de chacune des nations et des races » dans la hiérarchie nationale-socialiste et à leur degré d’oppression. 23Pour ce qui est des civils français, ils n’ont que rarement commis des actes de vengeance contre la population allemande, mais ont parfois aussi fait preuve de charité. Ainsi, une photo prise par André P. montre des femmes allemandes venant au camp des Français avec leurs enfants pour demander des vivres. – Des femmes allemandes avec leurs enfants demandant des vivres auprès des ouvriers français juste libérés, Bremen-Hemelingen, fin avril 1945. Collection André P. 24Les rapports avec les libérateurs alliés étaient d’abord marqués par la joie de voir enfin finir, à leur arrivée, la longue captivité et la contrainte au travail en Allemagne. Mais il y eut aussi quelques frottements car ces troupes devaient donner la priorité à l’accomplissement rapide de leur mission militaire et ne pouvaient pas prendre en charge et rapatrier les libérés aussi vite que ceux-ci l’auraient voulu. Devoir encore attendre leur rapatriement organisé – car les convois spontanés gênaient les opérations militaires -, être entassés dans des centres de rapatriement », souvent leurs anciens camps, se faire enregistrer sur des listes, supporter une nouvelle tutelle et bureaucratie, tout cela mit à rude épreuve la patience de plus d’un libéré. Le rapatriement 25Le responsable du rapatriement des Français était Henri Frenay, ministre des prisonniers, déportés et réfugiés, mais les modalités concrètes du retour dépendaient largement des forces alliées combattant en Allemagne. Elles formèrent pour cela un corps militaire de rapatriement de hommes, complété par des missions militaires françaises dans les pays de transit comme la Belgique. Inévitablement, il y eut parfois conflit entre le souci de rapatrier les DP et les opérations militaires. De plus, les autorités militaires agirent au début selon leur logique traditionnelle en privilégiant les militaires dans le rapatriement. Frenay contesta cette doctrine au nom d’une égalité de traitement pour toutes les catégories. La condition particulièrement précaire des détenus des camps de concentration, qui dépassait l’imaginable, força peu à peu tous les responsables à réviser leurs conceptions théoriques et à aider en priorité ceux qui en avaient le besoin le plus urgent. 9 Frenay 1945, p. 109. 26La difficulté de la tâche était accrue par le manque d’informations précises sur le nombre des Français libérés et les lieux où ils se trouvaient ainsi que par la pénurie de moyens matériels dans une France affaiblie par les années d’occupation. Le ministère et les intéressés divergent dans leur bilan global du rapatriement. Henry Frenay faisait valoir que, malgré des conditions particulièrement difficiles, 95 % des Français avaient pu être rapatriés dans les 100 jours, le double du chiffre de la Première Guerre mondiale dans un tiers du temps, qu’il n’y avait pas eu d’infections secondaires au typhus et que les rapatriés arrivés en bonne santé avaient regagné leur familles en moins d’une Les intéressés, eux, étaient parfois très déçus et faisaient de nombreuses critiques contre l’organisation du rapatriement, comme celle-ci 10 Cochet 1992a, p. 81. Ces hommes ont été maintenus dans leur camp en attendant un rapatriement qu’ils ne voient pas venir. […] Il y a là une honte qui doit cesser. […] Quand les campagnes allemandes regorgent de vivres et de produits, quand les officiers et généraux hitlériens mangent à leur habitude, c’est une honte, en effet, que les internés politiques connaissent la faim. […] Ces hommes ne demandent pas grand-chose. Ils ne veulent pas de traitement de faveur ils ne réclament ni médailles, ni discours Ils veulent seulement rentrer chez 27Les itinéraires du rapatriement et les moyens de transport étaient extrêmement variés. Exemple typique, voici le souvenir que garde Michel Brisset de son départ de Bremerhaven, au bord de la mer du Nord Le 12 mai, l’ordre est venu au camp de préparer nos valises pour le départ. Le 16, des camions américains sont venus évacuer tout le camp Français, Belges, Hollandais et quelques Italiens. […] Les camions se suivent et descendent vers le sud. De gauche à droite nous regardons les convois de camions sur toutes les routes des chars, des bulldozers, des half track. Nous découvrons la puissance américaine. Des champs remplis de jerricans pour transfert de carburant. Des chauffeurs sont en majorité des noirs. Quand il y avait des rivières, des ponts s’affaissaient sous le poids du camion en passant sur des doubles rainures métalliques et remontaient ensuite en tanguant sur l’eau. Nous nous arrêtions dans un camp américain pour nous faire inscrire et passer à la désinfection au DDT aspergés presque à nu. Nous restions une nuit dans ce camp où des médecins militaires soignaient ceux qui étaient souffrants. Le lendemain, nous repartions dans un train pour wagons à bestiaux avec de la paille, mais libres. Le train roulait lentement et s’arrêtait toutes les heures environ. Tous ceux qui avaient un besoin naturel à satisfaire descendaient, et comme il y avait des céréales aux herbes de 80 cm de hauteur, se soulageaient car naturellement il n’y avait pas de WC dans ce genre de wagon. Nous étions des des prisonniers français et quelques-uns qui revenaient des camps de concentration avec leurs pyjamas rayés blanc et noir amaigris. Nous passons sur la Weser dans la région de Minden, toujours au ralenti. Puis Münster, et à Wesel nous passions sur le Rhin, tout doucement, sur un nouveau pont, les rails fixés sur de gros poteaux en bois, à 5 km à l’heure. Le Rhin était à 5 à 10 m en dessous et nous en retenions notre respiration. 11 Brisset 2008. Ensuite, nous arrivons dans la Ruhr. La campagne verte est finie, ce n’est plus que désolation, usines démolies, terrils, décombres, aciéries, hauts fourneaux anéantis. Nous traversons la Hollande propre et verte, et Maastricht. Les gares sont fleuries et pavoisées, la vallée de la Meuse, la Belgique, Namur, Charleroi et enfin Valenciennes en France. Le train s’arrête à la frontière. Tout le monde descend. L’émotion est forte, les larmes aux yeux et on embrasse la 12 Cochet 1992a, p. 66 ; Durand 1980, p. 500. 13 Jacobmeyer 1985, p. 83. Une lettre du ministre des Affaires étrangères au Commissaire Général p ... 28Si les Français libérés par les Américains et les Britanniques rentraient chez eux en moyenne dans les 17 jours après leur libération, les Français libérés par l’Armée Rouge et se trouvant donc à l’Est du front, mettaient 116 jours, en passant par Odessa et Seuls 0,13 % des Français n’avaient pas regagné leur pays en septembre 29Un petit nombre avait retardé leur retour de quelques jours pour tenter de ramener avec eux une amie allemande, polonaise ou soviétique. Selon les souvenirs de mes témoins, des femmes allemandes se seraient couchées devant les camions de rapatriement en exigeant d’y être admises, avec ou sans le consentement de leur ami français d’ailleurs. Cf. p. 261 Si certains Français ont réussi par la suite à faire admettre en France des femmes connues du temps de leur travail forcé, la politique française dans la phase du rapatriement immédiat était restrictive en la matière. Les étrangères n’étaient admises que si le couple avait déjà des enfants ou en attendait – le seul fait d’être mariés ne suffisait pas. 14 Circulaire du ministre de l’Intérieur aux préfets du 12 juin1945 AN F/9/3308, confirmée par celle ... Rien n’est modifié au principe posé par ma circulaire du 5 mai selon lequel les femmes enceintes, ou avec enfants, sont seules admises actuellement à pénétrer en France accompagnées d’un prisonnier ou déporté. Le fait que les intéressées prétendent avoir contracté régulièrement mariage en Allemagne avec un prisonnier ou déporté ne les autorise donc pas, jusqu’à nouvel ordre, à entrer sur notre 30Soupçonneux, le chef de la mission française du rapatriement, le colonel Lano, demande le 18 avril 1945 au Ministère des Prisonniers, Réfugiés et Déportés La question la plus fréquente qui m’est posée, est celle concernant les femmes qui suivent un déporté ou un prisonnier. S’il y a enfant ou maternité proche, nous les laissons passer. Mais où commence l’état de femme enceinte » depuis 10 minutes ou depuis 6 mois ? AN F/9/3308 31Et il ne laisse aucune équivoque sur ses sentiments à leur égard Les femmes ramenées ainsi sont pour la plupart Russes ou Polonaises. Leur aspect est une preuve du manque de goût de leurs protecteurs. Ibid. 32Quant aux attentes ressenties par les rapatriés, toutes catégories confondues, plusieurs sources font état d’une volonté nette de voir punis les responsables de leur déportation, aussi bien allemands que français. Comme toujours attitude très décidée en ce qui concerne l’épuration. Ce ne sont pas les prisonniers qui se montreront tendres pour les collaborateurs. […] Au départ du train ils chantaient à tue-tête la Marseillaise ». Cf. annexe, document 33Les expériences communes de la captivité, les nuits sous les bombardements alliés, le travail exténuant, les conditions de vie précaires, la surveillance par la Gestapo et le SD n’étant plus qu’un mauvais souvenir, le jour de faire les comptes était proche et la France allait prendre en compte et juger à leur juste valeur les souffrances et les mérites patriotiques de chacun, en sanctionnant les compromissions avec l’ennemi. Mais si tous attendaient ce jugement, les attitudes divergent selon les catégories de rentrants Moral des prisonniers = excellent Déportés politiques = excellent Déportés = un peu fermé au début. Nous les rassurons petit à petit ; ils se détendent et partent en chantant la Marseillaise 15 Rapport de l’officier de liaison colonel Lano du 27 mars 1945 AN F/9/3308. Prisonniers transformés = ce sont les plus inquiets sur l’accueil qui leur sera fait en 34Il s’agissait de savoir qui était victime de la politique de Vichy et qui en revanche avait profité des faveurs du Maréchal. Les travailleurs et les prisonniers ne fraternisent pas beaucoup. Les prisonniers transformés restent encore plus nettement à l’écart. De façon générale, la mentalité des travailleurs est plus aigrie, moins patriote. Ils nourrissent contre le Gouvernement Pétain une vigoureuse haine, ils lui en veulent de les avoir livré [sic] à l’ennemi, de n’avoir jamais pris leurs intérêts en main, de n’avoir jamais envoyé de colis, alors que les prisonniers en recevaient de la Croix-Rouge ou d’ailleurs. Quant aux prisonniers transformés et travailleurs volontaires, ils craignent l’accueil qui leur sera fait en France. Cf. annexe, document 35L’apparente contradiction qui attribue aux travailleurs civils une plus grande hostilité vis-à -vis du gouvernement de Vichy mais un manque de patriotisme semble résulter de l’appréciation personnelle de l’auteur de ce texte. En tant qu’officier, il voyait un signe de patriotisme dans la discipline militaire dont les prisonniers de guerre firent preuve tandis qu’il jugeait comme communiste, et donc antipatriotique, la mentalité de saboteurs chez les ouvriers beaucoup moins disciplinés. Voici sur le chemin du retour au pays des éléments de l’ anti-France » qu’on devrait surveiller attentivement dans l’avenir. Une telle opposition à Vichy, qui n’était pas issue du gaullisme et ne s’inscrivait pas en accord avec les Alliés de l’Ouest, loin d’être bienvenue, lui était même suspecte. N’avaient-ils pas écrit sur un train du retour le slogan Les prisonniers transformés au poteau ! », mais aussi Mort aux Anglais… Vive le communisme » ? Cf. annexe, document Aux yeux de cet officier de liaison, il s’agissait là d’éléments bien plus troubles que les prisonniers de guerre 16 Dans l’aprés-guerre immédiat, le terme de déportés » désigne souvent les requis du travail. Toutefois nous notons que la différenciation entre prisonniers et déportés16 s’accentue de jour en jour. Il faut attribuer cet état d’esprit à la discipline très stricte qui règne chez les prisonniers de guerre, en opposition flagrante avec le laisser-aller des déportés. aux déplacements sur route. Les soldats, mieux organisés vivent mieux, s’entr’aident. Les déportés sont plus fatigués, car peu ont résisté à l’attrait du pillage et reviennent chargés comme des baudets d’un attirail hétéroclite. 17 Rapport de l’officier de liaison colonel Lano du 18 avril 1945 AN F/9/3308. Chez les déportés, on trouve des traces de l’ancien communisme saboteur antipatriotique, et même antifrançais ; chez les soldats, on note une recrudescence de la discipline, du sentiment national et surtout de l’esprit 36Le même rapport, qui confond les catégories de manière flagrante, abonde dans les reproches de collaboration adressés aux travailleurs civils requis et aux prisonniers transformés et souligne leurs craintes à ce sujet 18 Ibid. L’expression STO volontaires » semble indiquer que Lano n’est pas très familier des différe ... Le prisonnier transformé est considéré comme un lâcheur, comme un faux frère, alors que parmi ceux que j’ai interrogé sic beaucoup paraissent avoir obéi au désir d’améliorer leur condition, d’obtenir des permissions pour rester en France. […] Plusieurs STO volontaires ont manifesté la crainte d’être mal reçus à leur retour en L’accueil en France 19 Ceux-ci étaient souvent d’anciennes maisons du prisonnier », avec le personnel hérité du régime d ... 20 Lagrou 1992, p. 240. 21 Cochet 1992a, p. 114. 37Le retour au pays, tant de fois imaginé et tant espéré, était-il à la hauteur des attentes ? Inévitablement mais parfois à leur grande déception, le tout premier contact avec la mère patrie retrouvée consistait en un ensemble de mesures administratives qui retardaient les retrouvailles avec la famille de plusieurs heures, voire journées, dans un des 75 centres d’accueil situés près de la frontière ou dans les Ces mesures comprenaient aussi la désinfection et des interrogatoires souvent d’une méfiance à peine voilée, ce criblage du rapatriement qualifié par Pieter Lagrou de Nuremberg des masses rudimentaire ».20 Ces centres émettaient les cartes de rapatrié et les cartes d’alimentation et distribuaient aux ayants droit d’éventuelles primes et subventions. Il n’est pas étonnant que les appréciations sur leur efficacité divergent autant que pour le rapatriement. Aux yeux de l’historien Cochet, certains centres méritent cette remarque Si l’anarchie n’est pas totale, elle semble, en tous cas, impressionnante. »21 38Le ministre Henri Frenay par contre, qui avait promis de tout mettre en œuvre afin que le retour de chacun soit une fête », tire un bilan globalement positif 22 Frenay 1976, p. 742-3. Chaque rapatrié allait remplir en un temps record toutes les formalités qui le réinséraient dans la vie du pays. En outre, il allait être douché, épouillé, examiné médicalement, muni d’une fiche de santé, d’un bon de transport, de vivres de route et d’une prime en argent. En une heure dix tout devait être – Carte de Rapatrié. Collection Georges T. 23 Vissiere 1988, p. 459. 39Les souvenirs des témoins sur ces premières heures passées sur le sol français divergent beaucoup. En général, plus le retour était précoce, plus l’accueil semble avoir été chaleureux et cordial. Et bien entendu, beaucoup dépendait des dispositions individuelles des rapatriés et des personnes qui les accueillaient. Les infirmières traitaient parfois de haut ces garçons qui, au lieu de s’engager dans la Résistance, étaient partis volontairement, croyaient-elles, contribuer à l’effort de guerre du Reich. Assimilés aux collaborateurs, les devaient raser les murs et quêter humblement leur 40Ce sont surtout les interrogatoires qui décevaient les rentrants Edgard B. On a été reçus les bras ouverts, par les Hollandais, par les Belges […] et moins bien par les Ah oui ?Edgard B. Les Français, ça a été, euh, vraiment, euh, un inter-… interrogatoire, à Lille, très B. On avance et Pourquoi qu’on avait été là -bas, pourquoi qu’on avait fait ça, euh, si on était ancien collaborateur, enfin, des questions complètement idiotes et tout ça… M’enfin, on a été reçu froidement. 41Pour la plupart des témoins cependant, ces formalités bureaucratiques ne pouvaient pas gâcher l’immense joie d’être enfin libres et de retrouver les leurs. Le pays, lui-même à bout de forces après quatre années d’occupation, les avait, somme toute, convenablement accueillis, jugent-ils. Pour ceux d’entre eux qui ont pris une part active dans le combat de la FNDT contre la stigmatisation des anciens requis du travail, l’accueil par la mère patrie se divise entre la population en général, bienveillante et amicale à leur égard, et l’attitude des gouvernements successifs qui leur avaient refusé la reconnaissance d’un statut H. Et considérez-vous que la France, dans son ensemble, vous avait bien accueillis, ou plutôt…André P. Très bien accueillis, à notre retour. Très bien. Très bien.[…]H. Et si vous considérez les deux autres catégories dont s’occupait le ministère de l’époque, donc prisonniers, déportés et rapatriés, il y avait aussi des déportés raciaux qui rentraient, déportés raciaux et politiques, et il y avait aussi des prisonniers de guerre. Est-ce que vous vous sentiez traités de la même façon, ou est-ce qu’il y avait des avantages d’un côté ou de l’autre ?André P. Nous sommes totalement Abandonnés ?André P. Oui. La preuve, j’ai découpé le titre du », il a changé de nom, il s’appelle Le proscrit ».H. Tout à l’heure, je vous ai demandé si vous avez été bien accueillis, vous avez dit que oui…André P. Ah… ! Par la popu-… par la population Non, je veux dire, par la France, en tant que P. On a été négligés par les gouvernements. Mais bien accueillis par la population. 42Pour ce qui est du soutien matériel, les témoins sont unanimes à signaler son insignifiance Ils nous ont donné la permission de nous débrouiller » Robert G.. 43En décembre 1944, bien avant l’arrivée des rentrants, le colonel Lano, officier de liaison au rapatriement, avait mis en garde Henri Frenay contre les suites possibles d’un accueil qui ne serait pas à la hauteur des attentes Je crains que si nous ne mettons pas à profit les semaines qui vont suivre à mettre sur pied une organisation complète avec ses vivres, ses vêtements, ses logements, nous risquons de voir débouler sur la France des hordes de prisonniers qui s’écrieront C’est ça le Gouvernement provisoire de la République française, c’est ça le Gouvernement du Général de Gaulle, eh bien sous Vichy, ça n’aurait pas été plus mal. Je hais, comme vous Monsieur le ministre, le sectarisme gaulliste, je ne suis pas de ceux qui veulent la lutte entre Français, mais il faut se rendre à l’évidence, il y a des vichystes et des Gaullistes. Il est difficile d’être neutre même pour le plus mou des mous, et comme chaque prisonnier, à sa rentrée, créera autour de lui un groupe de 3 ou 4 personnes, parents, frères, sœurs, amis, 3 millions de Prisonniers et Déportés risquent de créer une masse de 10 millions de mécontents à un moment où la France a tant besoin de l’Union de toutes les bonnes volontés pour sortir de l’ornière. […] Il ne faut pas qu’au grand espoir succède le plus lamentable des désespoirs, et qu’une vague de fureur ne vienne ajouter sa force destructive aux destructions qui se sont accumulées sur le sol de France. 13 décembre 1944, AN F/9/3308 44D’un autre côté, s’ils invoquaient les expériences douloureuses de la captivité et du travail forcé en Allemagne, les rapatriés se voyaient répondre que le sort des Français restés au pays n’avait pas été enviable non plus, loin de là 24 Boudot 1976, p. 716. Tentent-ils d’engager une conversation, ils entendent des plaintes sur l’indigence du ravitaillement, sur l’existence du marché noir, sur les difficultés quotidiennes. Lorsqu’ils veulent évoquer leurs propres misères, on leur décrit l’Occupation et ses drames ; quand ils parlent de leur fidélité à la France, on évoque devant eux le sacrifice des résistants. Un lourd malaise pèse sur eux. Sont-ils encore à l’heure de leur pays ?24 45En plus des déceptions dues à un accueil plus froid et moins généreux qu’ils ne l’avaient espéré, et au fait de trouver une France exsangue à leur retour, les rapatriés devaient se demander s’ils avaient vraiment autant manqué à leur patrie que les discours de bienvenue le prétendaient. Au moment de leur retour, l’enthousiasme de la Libération qui avait parcouru la France à partir de l’été 1944 avait déjà cédé le pas à une certaine désillusion. Les destructions de la guerre étaient partout présentes, les rigueurs d’alimentation allaient encore durer un certain temps et la reconstruction demandait un effort collectif important. Les moyens pour soutenir les rapatriés étaient limités, de même que la compassion d’une population qui avait l’impression d’avoir autant souffert qu’eux, mis à part les survivants des camps de concentration, évidemment. 46De plus, le pays avait entamé la reconstruction et s’était doté de nouvelles structures politiques et sociales dès les premiers mois suivant la Libération, bien avant leur retour. Peu d’entre eux avaient pu participer aux premières élections législatives d’avril 1945 et les postes de commande dans les partis politiques et les institutions avaient déjà été répartis et conférés parfois à des résistants de la dernière heure », ce qui ne manquait pas d’exaspérer les rapatriés. Certains soldats des Forces Françaises Libres se conduisaient alors comme des cowboys, trouvait Paul T., et Edmond T. jugeait mesquine la façon dont étaient faits certains règlements de compte J’ai été écœuré, booh ! » 25 Sur les personnes condamnées à des peines de prison en 1945, les deux tiers étaient libres t ... 26 La critique des imperfections de l’épuration fait parfois abstraction de la situation concrète de l ... 47Aux yeux des rapatriés l’épuration n’était pas suffisamment dirigée contre les responsables de la collaboration d’État politique et surtout économique25, mais frappait surtout le menu fretin ».26 Fernand L. Beh, oui, la France est beaucoup changée, la France était, beh, c’était la France des règlements des comptes. C’est la France de… phh… comptes, on coupait le cheveux aux femmes qui avaient collaboré, les collaborateurs ont fui, il y en a qui en voulaient à d’autres et, par là , il y avait des choses qui, alors c’était une France qui était… morose oui, c’était une France… libérée, parce que la Libération, vous avez vu des photos peut-être ? La libération de Paris, tout ça ? 48À part les petites minorités authentiquement collaborationnistes ou résistantes, la plupart des Français avaient vécu les quatre ans d’occupation en s’arrangeant bon gré mal gré avec les circonstances tandis que la guerre était menée sur d’autres fronts décisifs. Le mythe gaulliste de la nation française résistante dans son ensemble leur offrait un modèle d’identification puissant et volontiers endossé. 49Par contre, les rapatriés, eux, par le simple fait de leur absence ne pouvaient revendiquer une appartenance quelconque à la Résistance, fut-ce celle de la dernière heure. L’insistance sur les sabotages et la résistance passive dans la gueule du loup, que l’on trouve parfois dans la mémoire officielle du groupe cf. p. 189, essaie de faire admettre les travailleurs requis dans cette mémoire collective, mais en vain. Il était trop tentant de projeter sur eux les ambiguïtés qui avaient été celles de la majeure partie des Français en les accusant d’avoir collaboré », d’autant plus que leur histoire rappelait le triste épisode de la collaboration d’État de Vichy, que l’on préférait encore passer sous silence à l’époque. 27 Gratier de Saint-Louis 1990, p. 12. Et on leur demande des comptes sur les raisons de leur présence en Allemagne. De terribles censeurs, résistants de la vingt-cinquième heure, leur jettent des regards soupçonneux comme s’ils étaient des gestapistes ou des Waffen-SS français. Les rêves de bras ouverts tournent court le plus souvent, et il faut rentrer discrètement dans le rang. Quarante-cinq ans plus tard, la blessure n’en finit pas de cicatriser. Pire, elle s’est rouverte dans les prétoires où certains l’ont 28 Cf. Arnaud/Bories-Sawala 2003, Virgili 2007. 50Si l’honneur des travailleurs civils n’a très longtemps pas été reconnu par la mémoire nationale – l’octroi d’un statut de victimes plus de 60 ans après la fin de la guerre cf. p. 361 ne pourra remédier aux décennies d’amertume – il a au moins été revendiqué et défendu. Il en va tout autrement d’un groupe de rapatriés dont nous savons très peu de choses les femmes françaises n’ont fait l’objet d’aucune étude approfondie et nous n’avons pu entrer en contact avec aucune d’entre elles, sans doute à cause de la condamnation sans appel qui les avait frappées à l’époque et du tabou qui n’a jamais été levé à leur égard cf. p. 224.28 29 Rapport sur l’activité des médecins du groupe médical de secours au cours du mois de mai 1945. Cent ... 51Les archives du ministère Frenay livrent plusieurs documents les concernant un rapport sur le contrôle médical des rapatriées aux Ecluses-Saint-Martin », qui insiste sur le fait que les visites médicales devaient être nécessairement minutieuses »29 et deux autres textes intéressants, l’un sur la gestion politique de leur retour, l’autre sur la situation dans laquelle elles se trouvent. 52Le Rapport relatif aux femmes rapatriées d’Allemagne » cf. annexe, document se réfère à des pourparlers avec des mouvements politiques, familiaux et confessionnels » et demande au gouvernement de prendre des décisions sur leur sort en évitant de les rejeter sans distinction. Tous les mouvements, considérant la situation démographique de la France d’une part, le danger qu’il y aurait à créer des martyres » appelées à former le noyau d’un parti d’opposition, d’autre part, se rejoignent sur cette idée que nous ne pourrions rejeter en bloc les volontaires pour le Travail en Allemagne, de la vie nationale. 53Le rapport propose ensuite une distinction en quatre catégories de femmes qui devaient recevoir un traitement différent. Celles qui sont parties volontairement, obéissant à leurs convictions politiques, ou, et c’est le cas le plus fréquent, suivant des soldats de l’armée d’occupation », les amantes de soldats allemands, devaient être internées dans des camps spéciaux. Les prostituées devaient être transférées dans des hôpitaux pour surveillance médicale. Celles qui se sont engagées pour rejoindre leur mari Prisonnier ou Déporté du Travail » devraient être envoyées, avec leur mari, dans des maisons de repos’ spécialement aménagées pour permettre la vie par couple. » Enfin, celles qui, ne pouvant vivre en France du fait des bas salaires se laissèrent séduire par la propagande », donc avaient accepté de travailler en Allemagne pour des motifs économiques, seraient considérées comme non-volontaires » et devaient passer quelque temps dans des maisons de repos où l’on s’efforcerait de les entourer d’un climat moral sain. » 54Ensuite, puisque toutes les enquêtes […] prouvent que la Femme rapatriée d’Allemagne ne peut reprendre sa place soit du fait de sa famille, soit du fait de ses voisins », le rapport recommande qu’elles soient placées dans une ville suffisamment éloignée de la résidence d’où la femme partit pour l’Allemagne », et ce même pour le cas des couples de prisonniers ou de déportés du travail, ce qui en dit long sur le climat social qui régnait à l’égard des femmes rapatriées. 30 Virgili 2007, p. 372-3. 31 Virgili 2007, p. 374-6. Plus de la moitié des départements connurent des lynchages, un quart de ... 55Ces mesures ont-elles été appliquées ? Devant le mutisme des intéressées, il est impossible de le savoir. Les soucis des autorités, en tout cas, portaient plus sur un danger de contagion » que sur des attitudes collaborationnistes car, de toute manière, on ne prêtait pas aux femmes des convictions politiques et peu d’entre elles furent réellement inquiétées par la Elles furent, par contre, nombreuses à être victimes de la vindicte populaire et de l’auto-justice, tondues, brutalisées sur les quais de gare, voire 32 Thaumiaux s. d.. 56L’histoire de Rolande Thaumiaux, la femme d’un prisonnier de guerre qui l’avait rejoint à Glückstadt,32 semble attester que les femmes dans son cas étaient tout de même beaucoup plus facilement pardonnées que les femmes célibataires. Elle relate son séjour, accompagnée de son mari, dans un centre d’accueil et d’examens médicaux et une audition devant un tribunal militaire l’acquittant de tout reproche de collaboration avec l’ennemi. Ce n’était pas l’apport fourni à l’effort de guerre ennemi qui importait, mais le motif pour lequel elle y avait consenti. Et dans cette hiérarchie du jugement moral, les relations sexuelles avec l’ennemi, qu’elles aient été rémunérées ou amoureuses, étaient le sommet de l’abjection. Rolande Thaumiaux, quant à elle, put retourner peu après dans sa famille qui s’était occupée entre-temps de son fils aîné. 57Le sort des femmes célibataires a dû être tout autre. Le rapport de la Mission française de rapatriement en Allemagne sur l’accueil de ces femmes en région parisienne, en date du 5 juin 1945, cf. annexe document constate d’emblée que la situation des Françaises travailleuses rapatriées d’Allemagne semble s’aggraver de jour en jour ». En effet, les familles et les voisins les rejetaient et aucune autorité du rapatriement ne voulait se pencher sur leur sort. Après avoir subi l’examen médical obligatoire au centre des Ecluses-Saint-Martin, ces femmes étaient souvent dans la rue, au sens propre du terme, n’ayant parfois aucun abri pour la nuit Toutefois, celles qui ont des enfants sont acceptées, de mauvais gré il est vrai, au Centre Benoît-Mallon » dépendant de la préfecture et destiné aux réfugiés hommes. Ainsi, les différentes instances se renvoyaient mutuellement la balle pour ne pas avoir à s’occuper de ces citoyennes indésirables. 58Par manque d’archives et de témoignages, on ne peut pas en savoir plus sur le retour et la réinsertion sociale de ces femmes. En tout cas, la crainte exprimée par le ministère cf. supra de voir ces martyres » s’unir dans une force politique revendicative démontre une méconnaissance flagrante de leur situation de boucs émissaires. Il est au contraire très probable que leur seul désir a été de faire oublier ce passé honteux aux yeux de leur entourage, d’en parler le moins possible et de l’enfouir aux oubliettes pour toujours. 33 Cochet 1992a, p. 18. 34 Un livre blanc 1987, p. 39. 35 Cochet 1992a, p. 190. 36 Lewin 1987, p. 56. 37 Un livre blanc 1987, p. 38. 59Nous sommes bien mieux renseignés sur la réinsertion sociale, professionnelle et personnelle des rapatriés hommes. Rappelons d’abord que le taux de mortalité pendant leur séjour en Allemagne est estimé à 2 % pour les prisonniers33, 9 % pour les requis civils selon la Fédération34, et 83 % pour les déportés des camps de Le premier bilan de santé des rapatriés, fait à leur arrivée dans les centres de rapatriement, classait comme malades un quart des prisonniers, un sixième des travailleurs civils et un tiers des survivants des camps de concentration cf. p. 11436, mais ces résultats ne sont sûrement pas fiables car environ 30 à 40 % des rapatriés sont rentrés sans examen, ceux qui avaient été hospitalisés dès leur libération n’y figurent pas et on ne fait aucune distinction entre maladies graves et maladies bénignes. Et surtout, si les séquelles du travail forcé n’apparaissent souvent que des années plus tard, il est alors difficile de les lui attribuer avec certitude. Au sujet des suites à long terme, une étude faite sur demande de la FNDT en 1972 avait constaté une mortalité de 20 % de ce groupe, les deux tiers des décès étant survenus avant l’âge de 60 ans, un taux bien supérieur à la moyenne générale de la 38 Lewin 1987, p. 59. 60Les aides accordées par l’État aux travailleurs rapatriés se limitaient en général à deux semaines de congés payés au tarif du salaire moyen local, l’octroi d’une double ration alimentaire pendant 3 mois et des soins médicaux gratuits pendant les neuf mois suivant le A leur arrivée en France, ils avaient reçu 1000 francs, des coupons alimentaires et vestimentaires pour quelques semaines et ils pouvaient échanger jusqu’à 100 marks allemands au taux de 1 pour 20. 39 Charriere/Duguet 1946. Cf. pour ce qui suit Cochet 1991,1992a, 2003, Lewin 1987, Boudot 19 ... 61Il ne semble pas que ces principes aient été appliqués partout uniformément. Diverses dispositions visaient à pallier les désavantages juridiques dus à leur longue absence dans le domaine du Après un repos de courte durée, la plupart des travailleurs rapatriés s’étaient réinsérés dans la vie active car, dans cette phase de reconstruction de l’après-guerre, la demande de main-d’œuvre était forte et le chômage quasiment inexistant. Les agriculteurs rentrants reprenaient en général leur ferme, les autres trouvaient facilement un emploi dans l’industrie, l’artisanat ou les services, le plus souvent dans leur ancien métier et même leur ancienne entreprise. Parmi les témoins interviewés, seul Georges T. fut confronté à une attitude surprenante Georges T. en imitant le chef du personnel de son ancienne firme… Ah, mais dites donc, les… les prisonniers qui vont rentrer, on les emploie, mais vous, quand même vous auriez pu… vous défendre pour pas aller en Allemagne ». Le même type, vous savez, qui nous avait dit qu’il fallait Le même ?Georges T. Ah oui, rire, ah j’dis, c’est pas possible. Alors on vous convoquera si on a une place pour vous. » Parce que les prisonniers rentraient aussi, forcément, il y avait beaucoup de monde qui rentrait. Alors, vous comprenez, vous, vous n’avez pas été, vous n’avez pas été tellement des héros » que nous dit le type, ah, là , là je me rappelle toujours, mince, il me dit ça maintenant, hein, c’est gentil ! Et puis finalement, je vais trouver du boulot ailleurs, c’est, c’est fini, c’est pas grave. Oui. Mais en 45, euh, 45 là , la vie était très agitée en France, mais il y avait, euh, on travaillait, il y avait du travail. 62La situation de ceux qui avaient perdu leur commerce ou leur atelier pendant leur absence était plus compliquée car ils devaient souvent repartir à zéro. D’autres, frappés par la réquisition durant leur formation professionnelle ou leurs études, les reprenaient ou bien changeaient de cap après leur retour. En effet, cette expérience les avait tous profondément marqués, voire traumatisés pour certains, et il fallut plusieurs mois à la plupart pour se réadapter à une vie normale. Voici comment Michel Brisset a vécu le retour à la ferme parentale 40 Brisset 2008. À la maison c’était la surprise car personne n’était prévenu étant donné que le téléphone n’existait pas encore, mes parents n’avaient pas eu de mes nouvelles depuis août 1944. Mais qu’est-ce que j’ai trouvé mon lit bon avec des draps blancs après un déjeuner délicieux que je n’avais pas cru revoir… J’étais entre ciel et terre Il m’a fallu quelques jours pour réaliser que j’étais enfin revenu d’Allemagne sans avions et alertes Il m’a fallu six mois pour que les piqûres de puces disparaissent sur mon bras Enfin après une dizaine de jours mon père me dit Michel va donc atteler les bœufs et la boucle était 63S’il était agréable de dormir de nouveau dans des draps après tant d’années, leur sommeil resta troublé, longtemps voire leur vie durant, de cauchemars de bombardements et de répression, pour ceux qui les avaient subis Paul T. Je reviens un petit peu sur le retour, nous étions complètement désemparés, là , au retour, hein. D’abord j’avais perdu l’habitude de dormir dans un lit. Je dormais sur le plancher, et puis les camarades me manquaient. Énormément. L’ambiance de camaraderie, ça… Mes parents m’avaient trouvé complètement changé, ma mère… ne me reconnaissait plus. Et puis j’avais des cauchemars, j’avais des… plein de choses désagréables. Ça a duré longtemps…H. Hm. Longtemps, ça veut dire ? Des années ?Paul T. Oh. Peut-être quinze ans… Parce que ce séjour en prison, ça m’avait marqué Oui. Plus le séjour en prison que les autres conditions…Paul T. Oui. Il m’arrive même encore, et pourtant, il n’a pas été très long, ce séjour, il m’arrive encore de, parfois, de rêver…
Unjour, du milieu de cette foule en guenilles, jaillit un rayon. Du fond de l’un de ces esprits malades, du fond d’un de ces cœurs blessés, s’échappe une note qui va au cœur de l’humanité, portée sur les pages frémissantes d’un livre, sur l’aile d’un chant sublime, fixée sur la toile, arrêtée dans le marbre !
Le Monde Afrique Un jour de rentrée des classes, au début des années 1990 à Paris, Saïd Mahrane reçut comme une gifle l'apostrophe d'un camarade d'origine maghrébine "Fils de harki !" Un jour de rentrée des classes, au début des années 1990 à Paris, Saïd Mahrane reçut comme une gifle l'apostrophe d'un camarade d'origine maghrébine "Fils de harki !" Le gamin de sixième ne connaissait trop rien à la guerre d'Algérie, pas plus, sans doute, que celui qui avait cru proférer une insulte. "J'étais la risée de la classe. Pour moi, c'était devenu l'Affaire." La vilenie révéla à l'enfant l'ignorance dans laquelle le tenait son père, Mohamed, sur son passé. Où était-il pendant la guerre ? Kabyle taiseux, Mohamed éludait les questions de son fils. Au prétexte d'une rédaction à rendre, le collégien tente de forcer les souvenirs de son père. "Il n'a accepté que pour éviter que je sois puni." Mohamed explique alors qu'il était coursier du Front de libération nationale FLN dans Paris. Il raconte une course-poursuite avec les gendarmes sur les toits de Paris, à la fin des années 1950, un pli sous la chemise, dont il ignorait le contenu. Il échappera à ses poursuivants. Le garçon achète un cahier pour consigner les souvenirs de son père, ce héros, mais Mohamed mourra peu après cette confidence, laissant l'enfant avec ce simple fragment de vie. Au moins, la quête identitaire semblait-elle sur ses rails. "Ces brefs échanges m'avaient donné un cap." Alors, pourquoi ce silence ? "J'y ai beaucoup pensé", avoue Saïd Mahrane. "Cela relevait de sa nature, pas très prolixe, d'une certaine pudeur. Son caractère le portait à ne jamais revendiquer, à ne jamais se plaindre. Il s'excusait toujours, même quand c'était l'autre qui lui marchait sur les pieds." Saïd Mahrane a aussi compris l'autre raison de ce mutisme. En refoulant cette période conflictuelle, sans doute voulait-il aussi protéger son fils, éviter à ce petit Français les déchirements et la haine de lui-même. Son père était en effet reparti en Algérie en 1962 quand l'indépendance, pour laquelle il s'était battu, avait été proclamée. La captation de la révolution, l'aspect dictatorial que prenait le régime lui avaient déplu. Mohamed est revenu en France en 1965. Quand Saïd naîtra, treize ans plus tard, il l'élèvera dans "le respect de cette terre d'accueil, dans le respect de l'hôte. Il m'a toujours appris que le Français n'était pas l'ennemi. Malgré la torture, malgré Papon et la répression d'octobre 1961, il était exempt de haine". Une décennie s'est écoulée avant que cette sagesse paternelle ne devienne évidente, comme un cadeau d'outre-tombe. C'était un soir de match de football, France-Algérie, en 2001. Saïd Mahrane est au Stade de France quand La Marseillaise est sifflée par les spectateurs, Français issus de l'immigration algérienne. Il découvre une jeunesse en pleine confusion identitaire. Avec ses deux passeports dans la poche - le français et l'algérien qu'il a demandé à sa majorité -, le fils de Mohamed est estomaqué. "J'ai pris conscience du malaise, du manque de repères." Il saisit que l'on rejoue la guerre d'Algérie en un tragique contresens. Saïd Mahrane décide donc de repartir sur les traces de son père, avec pour tout viatique les lignes incomplètes de son cahier d'antan. Il va tenter de retrouver ceux qui l'ont côtoyé au sein du FLN, à Paris et en Algérie, les tirant de "leur engourdissement mémoriel". Mais l'organisation très cloisonnée du mouvement ne lui permettra pas de remonter très loin le fil. Il décrira cependant ce voyage intime dans un livre, C'était en 58 ou en 59... Calmann-Lévy, 2011. Non-dit familial Tandis qu'il menait cette enquête, Saïd Mahrane est devenu journaliste au Point. Il recueille aujourd'hui les confidences du personnel politique français, ce qui aurait sans doute empli son père de fierté. Le journaliste n'ignore rien de l'utilisation de l'histoire, des deux côtés de la Méditerranée, du dévoiement du drame algérien dans la fange clientéliste. "C'est la compétition mémorielle regarde mes cicatrices. On en est encore là cinquante ans après. Le paradoxe, c'est que la confrontation devient de plus en plus dure", dit-il. Récemment, Saïd Mahrane a rencontré Florence Dosse, la fille d'un appelé du contingent, également confrontée au non-dit familial. Elle aussi en a tiré un livre, Les Héritiers du silence Stock, 288 p., 20 euros, une quête de même nature, vue de la porte en face. Les deux auteurs arrivent à une semblable conclusion la réconciliation des mémoires, impérative en France plus encore qu'en Algérie, dans ce pays où vivent ensemble fils de pieds-noirs, de harkis, de moudjahidines et d'appelés, passe par la fin du manichéisme. "Il faudrait mettre du gris dans tout ça, estime Saïd Mahrane. Mais je suis assez pessimiste. Quand la génération de la guerre aura disparu, on sera dans l'interprétation, la seconde main, le fantasme." D'où l'urgence à recueillir les témoignages et à briser ce tabou. Benoît Hopquin Vous pouvez lire Le Monde sur un seul appareil à la fois Ce message s’affichera sur l’autre appareil. Découvrir les offres multicomptes Parce qu’une autre personne ou vous est en train de lire Le Monde avec ce compte sur un autre appareil. Vous ne pouvez lire Le Monde que sur un seul appareil à la fois ordinateur, téléphone ou tablette. Comment ne plus voir ce message ? En cliquant sur » et en vous assurant que vous êtes la seule personne à consulter Le Monde avec ce compte. Que se passera-t-il si vous continuez à lire ici ? Ce message s’affichera sur l’autre appareil. Ce dernier restera connecté avec ce compte. Y a-t-il d’autres limites ? Non. Vous pouvez vous connecter avec votre compte sur autant d’appareils que vous le souhaitez, mais en les utilisant à des moments différents. 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Cérémoniedu 5 décembre 2021. Mise à jour le 02/12/2021. Journée nationale d’hommage aux « morts pour la France »pendant la guerre d’Algérie et les combats du Maroc et de Tunisie. Geneviève DARRIEUSSECQ, ministre déléguée auprès de la ministre des Armées, chargée de la mémoire et des anciens combattants.20/10/21 Ce mercredi 20 octobre, c’est le gouvernement français qui a réagi de la manière la plus officielle qui soit. Interrogée au cours d’un point de presse ordinaire, la porte-parole du ministère français des Affaires étrangères Quai d’Orsay a réclamé le respect de la souveraineté » de son pays par l’Algérie. Elle a indiqué que le ministre français des Affaires étrangères a rappelé la semaine dernière le profond attachement de la France au respect de la souveraineté algérienne. Avant de renvoyer la balle aux autorités algériennes, qui ont réclamé le respect de la souveraineté du pays après les propos de Macron. Il va de soi que nous attendons aussi de tous nos partenaires le respect de notre souveraineté », a déclaré la porte-parole. TSA 17/10/21 L’ambassadeur d’Algérie en France, Mohamed Antar Daoud, a souligné l’importance d’encourager la communauté algérienne établie en France à investir dans son pays d’origine, à travers la facilitation des procédures et mettre un terme à la bureaucratie. “Je dis que la double, la triple ou la quadruple nationalité doit constituer un atout pour les Algériens …. Et il nous appartient de faire en sorte que ceux qui veulent investir en Algérie ne soient pas confrontés à un parcours du combattant“, a déclaré M. Daoud lors du Forum d’El Moudjahid consacré à la commémoration des massacres du 17 octobre 1961, appelant à “dénoncer la bureaucratie à tous les niveaux“. “Il est inadmissible que l’Algérie qui possède la plus grande communauté étrangère en France avec 18 consulats, ne puisse pas constituer un levier de commande pour intervenir non seulement dans la politique algérienne, mais aussi au niveau de la politique française“, a-t-il déclaré, insistant sur le fait que “l’Algérie a besoin de tous ses enfants“. […] “La communauté Algérienne en France est une communauté engagée auprès de son pays”, a-t-il dit, relevant notamment le travail effectué par l’Amicale des Algériens en Europe, au lendemain de l’indépendance du pays. Certains avancent le chiffre de 5 millions, mais personne ne connait le nombre de Français ayant des origines algériennes, la loi dans ce pays interdisant les statistiques ethniques». On sait en revanche que le poids de la diaspora algérienne n’est pas négligeable. […] En France, bien qu’il n’existe pas de mouvement des Algériens dans ce pays, les membres de la communauté sont toutefois courtisés pour leur poids électoral. En 2017, juste avant l’élection présidentielle, Emmanuel Macron s’est rendu à Alger où il a qualifié le colonialisme de crime contre l’humanité ». Un geste que les analystes expliquent comme un clin d’œil à la forte communauté algérienne de France. Bien qu’on l’accuse de rétropédalage pour tenter d’enrayer la montée du courant extrémiste en tenant ses propos controversés du 30 septembre dernier, Macron sait qu’il ne peut pas complètement tourner le dos aux Algériens de France, pour les besoins de sa réélection mais aussi pour empêcher les relations avec l’Algérie de se dégrader davantage. […] Nous avons besoin d’une relation apaisée et ambitieuse où nous serons au premier rang et non plus des spectateurs car nous sommes le trait d’union naturel, résume Farid. On continue de faire sans nous et cela ne peut pas marcher ». En remettant en cause l’existence de la nation algérienne avant la colonisation française, Emmanuel Macron a réussi à irriter au même les Algériens et les Franco-algériens, y compris les adversaires politiques du pouvoir algérien. Il a touché à leur identité. Le président Macron doit clarifier sa position et rectifier le tir s’il veut séduire la diaspora qui peut jouer un rôle clé dans la crise actuelle entre les deux pays, et en prévision de la présidentielle français du printemps prochain. […] TSA Unsoir de 1941, la chanson fut diffusée, dans une version de L. Andersen, par une station militaire allemande installée à Belgrade. Du jour
A peine rentré en terres angloises, comme si la France n'était plus sûre d'elle-même, ce que l'on peut comprendre en mon absence!, voilà que l'Homme-qui-incarne-la-fourberie essaye de lancer un débat sur l'Identité déjà exposé les raisons pour lesquelles j'estime que l'on peut être fier d'être Français. L'occasion m'est aujourd'hui donnée d'affiner mon point de France actuelle ne me donne que peu de raisons d'être fier. Je ne brandis pas mon drapeau, pas plus que la Marseillaise ou autre symbole de la République aux yeux de mes collègues anglais ou américains. Non pas parce qu'un quelconque fond francophobe m'empêcherait de le faire au contraire, cela m'y inciterait de façon assez perverse mais parce que je ne suis pas fier de ce qu'est devenue la suis fier de ce qu'elle a représenté au cours de son histoire, je suis fier qu'elle ait accueilli ma famille, qu'elle lui ait donné la chance d'avoir une meilleure vie, d'échapper à la dictature et à la pauvreté. Je suis fier qu'elle ait incarné pendant si longtemps la Liberté, l'Egalité et la suis fier des valeurs de la République, des Droits de l'Homme que nous avons si longtemps représentés, fier que la France se soit de tous temps érigé en contre-modèle de l'ordre ce titre, je suis fier d'être cette France d'aujourd'hui, je ne la reconnais plusRecroquevillée sur elle-même, de terre d'accueil, elle est devenue hostile et inhumaine dans le traitement des que mes parents sont arrivés illégalement en France...De solidarité et fraternité, les Français sont devenus aigris, apeurés et donc égoïstes par nécessité, par instinct de survie. L'indiscipline en devient d'autant plus débat, d'engagement, de passion, les Français sont devenus de simples râleurs, incapables d' brillants intellectuels, nous disposons désormais de médiocres penseurs qui cèdent plus souvent le pas à l'appel médiatique qu'à une réflexion mesurée. Finkielkraut et BHL, si vous m'entendez...Politiquement, je suis fatigué que malgré l'urgence, on continue encore à ne voir que ce qui nous divise plus que ce qui nous le dis et le répète, les "démocrates" représentent certainement une large majorité de la population française. Or, le jeu politicien, les intérêts personnels, les querelles de chapelle, les iznogouds, les médiocres contribuent chaque jour à empêcher le dialogue entre une majorité du PS, une majorité de Verts, le MoDem, et les autres Parce qu'il faut respecter les aura l'air fin avec nos étiquettes périmées lorsqu'il ne restera plus rien des valeurs républicaines à ce gouvernement actuellement en place, il est à mes yeux le pire que la Ve République ait connu et pourtant, ce n'est pas comme si sous Mitterrand ou Chirac nous avions des modèles de vertu et d' même s'il n'est plus soutenu par la majorité silencieuse, une minorité suffisamment active le maintient au pouvoir. Une minorité qui dicte sa loi à la majorité...Quand on voit que le sarkozisme démantèle au fur et à mesure tout ce que la France est, appeler à un débat sur l'Identité Nationale relève de la moquerie !C'est un peu comme si Oussama Ben Laden vous invitait à réfléchir sur ce qu'est être américain de nos jours...
Lescampagnes du Directoire et les campagnes napoléoniennes (1795-1815) Guerre de Crimée (1853-1856) Guerre franco-prussienne de 1870-1871 et La Commune; Autres périodes représentées par la "collection du Ministre" Collections. Faire une recherche; Espace personnel; Recherche globale. Rechercher dans les bases nominatives; Rechercher dans